accident shinozuka chirurgie reconstruction

Vous le savez, j’ai opéré en urgence le pilote Shinozuka en 2003*. Aussi violente que soit la situation de l’accidenté, du grand brûlé, elle demande de la part du chirurgien encore plus de maîtrise de soi et de son art.

Car on a affaire ici à ce qui fait la substance de notre métier. La chirurgie de reconstruction est pour chaque praticien une affaire quasi ascétique, c’est en entrée en réflexion, en concentration et j’allais dire en recueillement à nul autre pareil du côté des interventions couramment pratiquées.

De sorte qu’en déclarant aux journalistes au sortir du bloc que le pilote était hors de danger, j’ai le sentiment aigu d’avoir accompli complètement ma mission.

Cet investissement dans l’exceptionnel( Shinozuka avait une fracture de la paroi latérale, du sinus maxillaire(nez) et et de l’apophyse zygomatique), le chirurgien a aussi envie de le déployer plus sobrement quand il adresse une chirurgie plastique simple, j’allais dire que rien n’est simple, au moment où il ne réduit par une fracture du nez mais le remodèle en tâchant qu’à la fin rien n’y paraisse.

Je pense que chacun d’entre nous devrait consacrer un peu de son temps aux interventions de chirurgie reconstructrice. Elles ont la vertu de nous rappeler notre rôle éminent en même temps que nous rappeler à notre devoir d’humilité car le corps est fragile et que nous l’aidons parfois in extermis ou pas et que c’est la limite technique et philosophique de notre métier.

Je crois que les interventions qui réparent la brisure des os ou des cartilages, celle qui tente de sauver la peau du brûlé nous refont prendre conscience que nous ne sommes pas des Pygmalion, des créateurs de jolies formes, appliqués à nous plaire de voir des volumes et des matières vivantes se transformer presque à notre guise.

Si le patient doit savoir cela, il n’en n’a finalement pas l’obligation. Le chirurgien esthétique, en revanche, c’est une autre histoire. Son art, ses techniques, ses savoirs doivent le rappeler à cette limite et si il le peut sa réflexion également.

 *Voir l’article : http://www.leparisien.fr/sports/le-tragique-accident-de-shinozuka-10-01-2003-2003721720.php

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